MAKING OF

 

MAKING OF DE L'ALBUM "LUCIOLES NOIRES"
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Peùnegr'
Stéphane : Encore un mot dont la transcription écrite a été quelque peu modifiée. En effet "Peùnegre" signifie littéralement "cheveux noirs", en patois cévenol, région d'origine de celle pour qui ce morceau a été composé au départ. Pascal Jaussaud nous a aidé pour la traduction en cévenol de ce titre. Merci Pascal. Et merci Sandrine pour l'inspiration… 

Sedryk : A mon avis, le morceau le plus représentatif de ce que nous avions en tête en commençant Naïal, à savoir tourner autour d'un instrument et en exploiter toutes les possibilités. La cornemuse apparait jouée sans traitement, mais aussi samplée, mise en boucle et traitée (la ligne de basse). Du pur Naïal, donc, même si chaque morceau est un cas spécifique !

Le Dezuno
Stéphane :  Cette chanson traditionnelle de la Bresse louhannaise collectée par Joseph Maublanc vers 1926 m'a été aimablement transmise par Jean-Paul Loisy. La retranscription écrite du patois de Louhans induisant dans ce cas précis une prononciation légèrement différente de celle de mes parents et grands-parents, je me suis permis quelques aménagements. Certains bressans bondiront peut-être, en tous cas je chante ici dans le dialecte qui a environné toute mon enfance.

Sedryk : Je trouvais intéressant, pour ce morceau, de mettre en avant le côté terroir du chant de Stef par l'utilisation paradoxale de sons de synthèse très abstraits, comme on peut en trouver dans la musique électro-acoustique. Pour compléter ce magma sonore, nous avons empilé des couches de bruits divers, samples de violon, chant harmonique et grincements tirés d'une vielle à roue maltraitée par Stef....

Rua Sabat
Stéphane :  Toute ma vie, j'ai rêvé de jouer d'la vielle à roue… Ma première rencontre avec les instruments traditionnels ne fut-elle pas justement la vielle à roue, menée de main de maître par un certain Valentin Clastrier (excusez du peu !), lors d'un concert de Ricet Barrier, lorsque j'avais une douzaine d'années ?
Et bien je l'ai fait. J'ai joué au moins une fois dans ma vie de la vielle à roue, tout du moins tenté de le faire, et j'en ai même profité pour composer ce morceau, incorrigible garnement pétri de fougue et totalement dépourvu de retenue que je suis ! L'enregistrement historique qui témoigne de ce moment extraordinaire a, je dois l'avouer, bien fait rire l'excellent et talentueux vielleux qu'est Yann. Je crois même qu'il n'a pas tout compris rythmiquement à ce que je faisais, peu habitué à mon coup de poignet pour le moins original, inédit, et unique en son genre.
Sedryk et moi sommes d'autant plus stupéfaits du brio avec lequel Yann a transcendé cette mélodie au départ si mal interprétée. Nous lui renouvelons encore nos remerciements pour son incursion dans notre univers, et pour son improvisation "habitée".
Le titre "Rua Sabat", est l'association de deux mots patois de ma Bresse natale, "rua" (la roue), et "sabat", du verbe "sabater", qui signifie, faire du bruit, et qui vient bel et bien du Sabbat, l'assemblée de sorciers qui hante notre imaginaire. Yann a illustré à merveille, sans le savoir d'ailleurs,   cette idée à connotation démoniaque.

Sedryk : Un jour, l'enregistrement original du thème à la vielle par Stef fera le bonheur des bêtisiers !
Pour les accros des traitements sonores : les sons aquatiques du début sont en fait des samples de tuba extrèment ralentis.

Voies contiguës
Stéphane : A force d'écouter des gens comme Steve Reich, Philip Glass, Arvo Pärt, et autres compositeurs de cette mouvance répétitive, çà finit par laisser des traces. Ajoutons à cela une culture de la polyphonie de cornemuses (le Quintet de Cornemuses, le trio anglais Moebius, pour n'en citer que deux…), et l'on aboutit à ce "Voies contigües". Une bande sonore à écouter les yeux fermés, un peu comme lorsqu'on entre dans cette espèce de transe que connaissent bien notamment ceux qui jouent de la cornemuse, lorsque le bourdon vous rentre dans la tête et fait le tour du cerveau de manière incessante comme s'il ne parvenait pas à trouver la sortie…
Surtout ne pas ouvrir les yeux !… 

Sedryk : Stef avait depuis longtemps l'idée d'un morceau avec le principe de boucles... C'est après avoir écouté un disque du Fred Frith Guitar Quartet que je lui ai proposé de composer pour un quartet virtuel avec comme postulat : aucun rajout d'autres instruments et aucun traitement sonore. Cette pièce est donc le bébé de Stef, même si la pièce a été conçue en duo, car je ne me suis pas contenté de faire l'ingé son... En tous les cas, cette pièce me scotche à chaque fois que je la ré-ecoute et je reste admiratif des talents de compositeur de monsieur Mauchand.

09/11
Sedryk : Cette partie de piano virtuel a été faite à l'origine pour accompagner le thème de"Peùnegr'". Ça ne collait pas, mais nous avons décidé de la garder et cela a donné la base d'un nouveau morceau…
A l'époque où j'ai fait cette partie, j'ai vu le documentaire des frères Naudet sur le 11 septembre. J'ai été marqué par ce passage où la radio des pompiers de New-York égrène la liste des soldats du feu morts dans la catastrophe… Bien sûr, la scène était forte en émotion mais j'ai été encore plus frappé par la musicalité de la déclamation, ce côté très calé... Par une coïncidence troublante, c'était sur le même tempo que ma partie de piano !
Stef a opté pour la clarinette diatonique et c'est le seul titre de l'album sur lequel ne figure pas de cornemuse. 

Orphalese (les lucioles noires)
Sedryk : Ça faisait des années que je me trainais cette boucle rythmique bancale, sans rien arriver à en faire. C'est d'ailleurs l'un des premiers samples que j'ai proposé à Stef lorsqu'il a été question qu'on fasse de la musique ensemble…
Le sample de vielle à roue vient de Valentin Clastrier et a été pas mal trituré… Quant au son étrange qu'on entend sur le début et à la toute fin du morceau, il ne s ‘agit pas d'une baleine, mais d'un sample de cornemuse hyper ralenti !
Une 1 ère version a été faite   sous le nom de "Temps mort", avec un autre texte et la voix était bien plus prédominante. Je trouvais gênant que la cornemuse soit aussi en retrait (pour un morceau de Naïal, en tous cas) alors nous avons fait cette version où la poésie sonore est releguée en fin de morceau.
Stef mélange la 16 pouces et la 23 pouces et fait des trucs pas très catholiques avec ses cornemuses ! Quant à moi, je ne chercherai pas à nier la grande influence d'Antonin Artaud sur ma façon de déclamer ce texte….
Orphalese est le nom de la ville dans laquelle le prophète édicte ses enseignements, dans le livre de Khalil Gibran. 

Prenni pedia
Stéphane : Certains événements de la vie conduisent à composer des mélodies empreintes d'une certaine tristesse, voire détresse. Toutefois, "Prenni Pedia" ("Prenez pitié", dans le dialecte de mes ancêtres) est associé à un bon souvenir, qui vint comme une éclaircie salvatrice dans une période trouble. L'idée générale du contre-chant de cette mélodie a en effet émergée lors d'une visite réconfortante (à grand renfort de breuvages locaux), chez un certain Robert Amyot, grand cornemuseux devant l'Eternel. Nous expérimentâmes d'ailleurs déjà à l'époque le duo de cornemuses, mais aussi le duo de clarinettes diatoniques. Le travail de Sedryk a contribué à donner encore plus de profondeur à ce thème.

Sedryk : Le tout premier morceau de Naïal ! Personnellement, je trouve mon intervention encore un peu timide sur ce titre, ma principale bonne idée ayant été de coupler le thème de Stef avec la partie de guitare virtuelle de Naing Naing...

Ataraxie
Naing Naing : "Ataraxie" était un projet de "guitare virtuelle" que j'ai fait début 2001 dans la foulée d'une sorte de brainstorming musical qui a amené à la création d'un certain nombre de morceaux de Naing Naing (Rimsky-core, Le Coq MégalO, etc...). Mais à la différence de ces derniers, au lieu d'utiliser des sons concrets / réels, j'ai samplé une à une des notes de guitare pour les mettre dans un séquencer-logiciel. Faisant cela, le but était de produire une musique impossible à jouer avec une guitare seule car plusieurs notes à jouer sur la même corde se chevauchent (mais à dire vrai, cela pourait être joué par un quartet de guitare). Ces notes très rapprochées dans la hauteur créent des dissonances et l'ambiance générale est étonnamment glauque avec un effet possible (excusez moi du mot) de carthasis.

Stéphane & Sedryk : Merci Naing Naing !!! 

Omega
Sedryk : Un jour que nous écoutions un disque de Marilyn Manson, Stef m'a dit subitement : "On ne pourrait pas faire un morceau à la Manson ?!"… Je me suis aussitôt mis au travail pour lui proposer ce titre, qui rappelle que nous venons du rock'n'roll, l'un et l'autre. Sur plusieurs passages, j'ai collé de la wah-wah sur sa cornemuse ce qui produit un effet assez saisissant.
Omega est le nom du personnage incarné par Marilyn Manson dans son album "Mechanical animals". 

Sabrakkâ
Sedryk : Je suis vraiment content qu'il y ait ce morceau sur le disque… parce que ce n'était pas gagné au départ ! Au début de notre aventure, Stef ne souhaitait pas que le son de sa cornemuse soit traitée… on mesure le chemin parcouru ! Sa condition pour un titre purement expérimental était que ça reste mélodique. Et c'est justement ce mélange de traitements sonores et de mélodies qui fait de ce titre l'un de mes préferés.
"Sabraquâ" vient du patois dauphinois et pourrait se traduire par "saloper le travail". Exactement ce que j'ai fait sur les parties de Stef dans ce morceau !!!
Quant au collectage de 1913 avec ces 2 dames du Berry qui chantent "ah-ah-ah, la cornemuse…", ça nous paraissait une façon de terminer le disque sur une note d'humour bienvenue… 

Stéphane
: ... et de faire un clin d'œil à la tradition.